CORPUS de poèmes

A) Alphonse de Lamartine : L’automne

Salut ! bois couronnés d’un reste de verdure !
Feuillages jaunissants sur les gazons épars !
Salut, derniers beaux jours ! Le deuil de la nature
Convient à la douleur et plaît à mes regards !

Je suis d’un pas rêveur le sentier solitaire,
J’aime à revoir encor, pour la dernière fois,
Ce soleil pâlissant, dont la faible lumière
Perce à peine à mes pieds l’obscurité des bois !

Oui, dans ces jours d’automne où la nature expire,
A ses regards voilés, je trouve plus d’attraits,
C’est l’adieu d’un ami, c’est le dernier sourire
Des lèvres que la mort va fermer pour jamais !

Ainsi, prêt à quitter l’horizon de la vie,
Pleurant de mes longs jours l’espoir évanoui,
Je me retourne encore, et d’un regard d’envie
Je contemple ses biens dont je n’ai pas joui !

Terre, soleil, vallons, belle et douce nature,
Je vous dois une larme aux bords de mon tombeau ;
L’air est si parfumé ! la lumière est si pure !
Aux regards d’un mourant le soleil est si beau !

Je voudrais maintenant vider jusqu’à la lie
Ce calice mêlé de nectar et de fiel !
Au fond de cette coupe où je buvais la vie,
Peut-être restait-il une goutte de miel ?

Peut-être l’avenir me gardait-il encore
Un retour de bonheur dont l’espoir est perdu ?
Peut-être dans la foule, une âme que j’ignore
Aurait compris mon âme, et m’aurait répondu ? …

La fleur tombe en livrant ses parfums au zéphire ;
A la vie, au soleil, ce sont là ses adieux ;
Moi, je meurs; et mon âme, au moment qu’elle expire,
S’exhale comme un son triste et mélodieux.


B) Sully Prudhomme : L’automne

L’azur n’est plus égal comme un rideau sans pli.
La feuille, à tout moment, tressaille, vole et tombe ;
Au bois, dans les sentiers où le taillis surplombe,
Les taches de soleil, plus larges, ont pâli.

Mais l’œuvre de la sève est partout accompli :
La grappe autour du cep se colore et se bombe,
Dans le verger la branche au poids des fruits succombe,
Et l’été meurt, content de son devoir rempli.

Dans l’été de ta vie enrichis-en l’automne ;
Ô mortel, sois docile à l’exemple que donne,
Depuis des milliers d’ans, la terre au genre humain ;

Vois : le front, lisse hier, n’est déjà plus sans rides,
Et les cheveux épais seront rares demain :
Fuis la honte et l’horreur de vieillir les mains vides.


C) Paul Verlaine : Chanson d’automne


Les sanglots longs
Des violons
De l’automne
Blessent mon cœur
D’une langueur
Monotone.

Tout suffocant
Et blême, quand
Sonne l’heure,
Je me souviens
Des jours anciens
Et je pleure

Et je m’en vais
Au vent mauvais
Qui m’emporte
Deçà, delà,
Pareil à la
Feuille morte.


D) Stéphane Mallarmé : Soupir

Mon âme vers ton front où rêve, ô calme sœur,
Un automne jonché de taches de rousseur,
Et vers le ciel errant de ton œil angélique
Monte, comme dans un jardin mélancolique,
Fidèle, un blanc jet d’eau soupire vers l’Azur !


– Vers l’Azur attendri d’Octobre pâle et pur
Qui mire aux grands bassins sa langueur infinie
Et laisse, sur l’eau morte où la fauve agonie
Des feuilles erre au vent et creuse un froid sillon,
Se traîner le soleil jaune d’un long rayon.

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Comparer ce quatuor poétique sur plusieurs points de vue

1) présence du MOI : diversement exprimée ; un poème l'exclut : pourquoi ?
2) qui est ce TU, TOI ? quel type de relation ?
3) le vent, l'Azur, le solaire (haut), le terrestre (bas), le végétal, sécheresse ou humidité : quel rapport avec la saison ? comment sont-ils insérés dans les poèmes ?
4) un élan vers la vie, le renouveau ? ou au contraire le constat de la mort, et le goût de la nostalgie ?
5) un vers noble pour la saison : l'alexandrin, mais pourquoi pas pour Verlaine ?
champ lexical de la richesse ? de la douleur ? de l'esthétique ? de la religion ? comment s'expliquent ces champs lexicaux ?
6) temps utilisé : le présent pour des actions qui durent, inachevées : comment se justifie-t-il ? exception de l'imparfait et du passé composé...
7) quel "automne" est le mieux exprimé ? pourquoi ?
8) quatrains, quintils, sonnet, en alexandrins, ballade en vers brefs : quelle forme poétique est la mieux adaptée ?
9) du visuel ? de l'auditif ? du gustatif ? de l'olfactif ? du tactile ? lesquels de ces 5 sens est le mieux au service de la saison ?
10) grammaire : poème à subordonnées relatives expressives, ou utilisant l'impératif, les exclamatives et interrogatives...

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Résumé des 4 poèmes par ChatGPT :

Les poèmes évoquent tous l'automne et ses implications symboliques. Alphonse de Lamartine décrit la beauté mélancolique de l'automne, exprimant ses sentiments de regret et d'adieu. Sully Prudhomme souligne l'accomplissement de la saison et invite à tirer des leçons de la nature. Paul Verlaine exprime la tristesse de l'automne à travers des sanglots de violons et des souvenirs mélancoliques. Enfin, Stéphane Mallarmé évoque la douceur de l'automne et la mélancolie associée à cette saison. Ces poèmes capturent la complexité émotionnelle de l'automne. 

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4 autres poèmes sur la saison

 

E) Banville - L’Automne


Sois le bienvenu, rouge Automne,
Accours dans ton riche appareil,
Embrase le coteau vermeil
Que la vigne pare et festonne.

Père, tu rempliras la tonne
Qui nous verse le doux sommeil ;
Sois le bienvenu, rouge Automne,
Accours dans ton riche appareil.

Déjà la Nymphe qui s’étonne,
Blanche de la nuque à l’orteil,

Rit aux chants ivres de soleil
Que le gai vendangeur entonne.
Sois le bienvenu, rouge Automne.


F) Albert Samain - Automne

Le vent tourbillonnant, qui rabat les volets,
Là-bas tord la forêt comme une chevelure.
Des troncs entrechoqués monte un puissant murmure
Pareil au bruit des mers, rouleuses de galets.

L’Automne qui descend les collines voilées
Fait, sous ses pas profonds, tressaillir notre cœur ;
Et voici que s’afflige avec plus de ferveur
Le tendre désespoir des roses envolées.

Le vol des guêpes d’or qui vibrait sans repos
S’est tu ; le pêne grince à la grille rouillée ;
La tonnelle grelotte et la terre est mouillée,
Et le linge blanc claque, éperdu, dans l’enclos.

Le jardin nu sourit comme une face aimée
Qui vous dit longuement adieu, quand la mort vient ;
Seul, le son d’une enclume ou l’aboiement d’un chien
Monte, mélancolique, à la vitre fermée.


G) Laforgue – Complainte de l’ automne


Automne, automne, adieux de l’adieu !
La tisane bout, noyant mon feu ;
le vent s’époumonne
à reverdir la bûche où mon grand cœur tisonne.
Est-il de vrais yeux ?
Nulle ne songe à m’aimer un peu.

Milieux aptères,
ou sans divans ;
regards levants,
deuils solitaires,
vers des sectaires !

Le vent, la pluie, oh ! Le vent, la pluie !
Antigone, écartez mon rideau ;
cet ex-ciel tout suie,
fond-il decrescendo, statu quo, crescendo ?
le vent qui s’ennuie,
retourne-t-il bien les parapluies ?

Amours, gibiers !
Aux jours de givre,
rêver sans livre,
dans les terriers
chauds de fumiers !

Plages, chemins de fer, ciels, bois morts,
bateaux croupis dans les feuilles d’or,
le quart aux étoiles,
Paris grasseyant par chic aux prises de voiles :
de trop poignants cors
m’ont hallalisé ces chers décors.

Meurtres, alertes,
rêves ingrats !
En croix, les bras ;
roses ouvertes,
divines pertes !

Le soleil mort, tout nous abandonne.
Il se crut incompris. Qu’il est loin !
Vent pauvre, aiguillonne
ces convois de martyrs se prenant à témoins !
La terre, si bonne,
s’en va, pour sûr, passer cet automne.

Nuits sous-marines !
Pourpres forêts,
torrents de frais,
bancs en gésines,
tout s’illumine !

- allons, fumons une pipette de tabac,
en feuilletant un de ces si vieux almanachs,
en rêvant de la petite qui unirait
aux charmes de l’œillet ceux du chardonneret.


H) Apollinaire – Automne

Dans le brouillard s’en vont un paysan cagneux
Et son bœuf lentement dans le brouillard d’automne
Qui cache les hameaux pauvres et vergogneux
Et s’en allant là-bas le paysan chantonne

Une chanson d’amour et d’infidélité
Qui parle d’une bague et d’un cœur que l’on brise
Oh ! l’automne, l’automne a fait mourir l’été
Dans le brouillard s’en vont deux silhouettes grises

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