Dissertation

Sujet : Selon vous, le héros tragique doit-il être sans faille ?

Liste  : H avec faille : Agamemnon, Phèdre, Cinna, Suréna, Attila (faiblesse pour Ildione)


PHEDRE (devant son mari Thésée)
J'ai voulu, devant vous exposant mes remords,
Par un chemin plus lent descendre chez les morts.
J'ai pris, j'ai fait couler dans mes brûlantes veines
Un poison que Médée apporta dans Athènes.
Déjà jusqu'à mon coeur le venin parvenu
Dans ce coeur expirant jette un froid inconnu.

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CINNA (à Maxime, son complice dans la conjuration)
Émilie et César, l'un et l'autre me gêne,
L'un me semble trop bon, l'autre trop inhumaine,
Plût aux dieux que César employât mieux ses soins
Et s'en fît plus aimer, ou m'aimât un peu moins,
Que sa bonté touchât la beauté qui me charme,
Et la pût adoucir comme elle me désarme.


CINNA
Je vous aime, Émilie, et le ciel me foudroie
Si cette passion ne fait toute ma joie,
Et si je ne vous aime avec toute l'ardeur
Que peut un bel objet attendre d'un grand coeur :
Mais voyez à quel prix vous me donnez votre âme,
En me rendant heureux vous me rendez infâme,
Cette bonté d'Auguste...
ÉMILIE
                                          Il suffit, je t'entends,
Je vois ton repentir et tes voeux inconstants,

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OCTAR : 
Ainsi donc votre choix tombe sur Honorie ?
ATTILA : 
J’y fais ce que je puis, et ma gloire m’en prie ;
Mais d’ailleurs Ildione a pour moi tant d’attraits,
Que mon coeur étonné flotte plus que jamais.
Je sens combattre encor dans ce coeur qui soupire
Les droits de la beauté contre ceux de l’empire.
L’effort de ma raison qui soutient mon orgueil
Ne peut non plus que lui soutenir un coup d’oeil ;
Et quand de tout moi-même il m’a rendu le maître,
Pour me rendre à mes fers elle n’a qu’à paraître.
Ô beauté, qui te fais adorer en tous lieux,
Cruel poison de l’âme, et doux charme des yeux,
Que devient, quand tu veux, l’autorité suprême,
Si tu prends malgré moi l’empire de moi-même,

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H sans faille : Antigone, Horace, Rodrigue, Médée

Mais : 

Certes chez Sophocle et Anouilh Antigone reste déterminée à suivre sa loi morale qui la conduit à enterrer son frère ; mais cela reste une faille au niveau légal, puisqu'elle désobéit à son oncle Créon...

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Certes chez Corneille dans LE CID Rodrigue reste fidèle à son amour pour Chimène et sa bravoure envers le roi d'Espagne, mais en I,6, ses "stances" le montrent faible dans son hésitation : 

Percé jusques au fond du cœur
D'une atteinte imprévue aussi bien que mortelle,
Misérable vengeur d'une juste querelle,
Et malheureux objet d'une injuste rigueur,
Je demeure immobile, et mon âme abattue
Cède au coup qui me tue.
Si près de voir mon feu récompensé,
Ô Dieu, l'étrange peine !
En cet affront mon père est l'offensé,
Et l'offenseur le père de Chimène !

Que je sens de rudes combats !
Contre mon propre honneur mon amour s'intéresse :
Il faut venger un père, et perdre une maîtresse:
L'un m'anime le cœur, l'autre retient mon bras.
Réduit au triste choix ou de trahir ma flamme,
Ou de vivre en infâme,
Des deux côtés mon mal est infini.
Ô Dieu, l'étrange peine !
Faut-il laisser un affront impuni ?
Faut-il punir le père de Chimène ?

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Seul Horace est inflexible (de A à Z) contrairement à son opposant victime Curiace, qui, par sa faille, est selon moi le vrai héros pacifiste de cette tragédie.

HORACE : 
Rome, quoi qu'il en soit, ne sera point sujette
Que mes derniers soupirs n'assurent ma défaite.
Rome a choisi mon bras, je n'examine rien,
Avec une allégresse aussi pleine et sincère
Que j'épousai la soeur, je combattrai le frère.
Et pour trancher enfin ces discours superflus
Albe vous a nommé, je ne vous connais plus.
CURIACE : 
Encore qu'à mon devoir je coure sans terreur,
Mon coeur s'en effarouche, et j'en frémis d'horreur ;
J'ai pitié de moi-même, et jette un oeil d'envie
Sur ceux dont notre guerre a consumé la vie,
Sans souhait toutefois de pouvoir reculer,
Ce triste et fier honneur m'émeut sans m'ébranler,
J'aime ce qu'il me donne, et je plains ce qu'il m'ôte,
Et si Rome demande une vertu plus haute
Je rends grâces aux dieux de n'être pas Romain,
Pour conserver encore quelque chose d'humain.


Fin de la tragédie Médée :

MÉDÉE (lance sa malédiction de sorcière à son mari Jason) 
Lâche, ton désespoir encore en délibère ?
Lève les yeux perfide, et reconnais ce bras.
Qui t'a déjà vengé de ces petits ingrats.
Ce poignard que tu vois vient de chasser leurs âmes
Et noyer dans leur sang les restes de nos flammes.
Heureux père et mari, ma fuite et leur tombeau
Laissent la place vide à ton hymen nouveau.
Réjouis-t-en, Jason, va posséder Créuse,
Tu n'auras plus ici personne qui t'accuse,
Ces gages de nos feux ne feront plus pour moi
De reproches secrets à ton manque de foi.

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Dissertation ; sujet : Voltaire a dit “J'écris pour agir”. Pensez-vous que le rôle d'un écrivain soit de s'engager pour des causes?

Au XVIIIe siècle, de nombreux auteurs ont mis leur art au service de la pensée des Lumières. Ainsi, Condorcet, dans son essai intitulé Réflexion sur l'esclavage des nègres (1781), lutte pour l'égalité de tous les hommes et pour la cause abolitionniste. Cette visée argumentative de l'oeuvre littéraire est aussi défendue par Voltaire qui affirme : “J'écris pour agir”. La littérature aurait donc pour but, selon le philosophe,de porter les idées de l'auteur pour les causes qui lui tiennent à coeur. Voltaire soulève ainsi la question du rôle de l'oeuvre littéraire : dans quelle mesure doit-elle être un outil de lutte? Il s'agira tout d'abord de montrer que la littérature peut être un moyen efficace de diffuser les idées de l'écrivain, pour ensuite étudier les autres intérêts de l'écriture. Enfin, la dimension multifonctionnelle de l'oeuvre littéraire sera étudiée.



Tout d’abord, la littérature peut se montrer propice à l’expression des opinions de l’auteur. L’homme de lettres peut ainsi dénoncer ce qui le scandalise parce qu'il est une figure de penseur dans la société, mais aussi parce qu'il sait déjouer les interdictions.

Plusieurs genres ont en effet pour but de dénoncer. Certaines formes d’écriture sont par nature engagées. Le pamphlet, texte court qui fait le blâme virulent et explicite d’une personne ou d’un évènement  apparaît comme un outil efficace de transmission des idées. On peut ainsi penser au Discours sur le colonialisme d'Aimé Césaire. Dans cette œuvre, le grand écrivain du XXe siècle fait une critique violente de la colonisation.. De nombreux auteurs ont su utiliser leur plume pour lutter contre les injustices. C’est par exemple le cas des articles de l'Encyclopédie qui ont permis de diffuser les idées des Lumières sur le pouvoir monarchique, la guerre ou encore l'esclavage. L'écrivain se présente donc comme un acteur de la société dans laquelle il vit et l'avantage de l'art est qu'il permet parfois de déjouer la censure et d'imposer les réflexions critiques malgré les interdictions.

Ainsi, Voltaire critique discrètement l'aristocratie qui détient le pouvoir dans l'incipit de Candide. La dénonciation n'est toutefois pas interdite car elle se loge dans un texte particulièrement ironique qui peut déjouer la censure. Montesquieu, dans l'Esprit des lois, use du même stratagème pour amener son lecteur attentif vers une réflexion contre l'esclavage, dans le célèbre chapitre “Sur l'esclavage des nègres”. Au siècle précédent, c'est la figure du lion chez La Fontaine qui apparaît parfois comme l'image du roi, dans laquelle peut éventuellement se reconnaître Louis XIV : dans “la Génisse, la Chèvre et la Brebis en société avec le Lion”, le roi des animaux impose sa tyrannie et se présente comme le miroir discret du pouvoir abusif. Il s'octroie ainsi toutes les parts du gibier chassé, privant de nourriture ses trois associées.

L'auteur ne cherche cependant pas toujours à faire de l'oeuvre littéraire le support d'un message engagé.



En effet, la littérature peut avoir d'autres intérêts que de véhiculer des idées. Le lecteur peut rechercher dans les livres un divertissement ou un simple miroir du monde dans lequel il vit.

Le succès du roman est ainsi dû au plaisir que procure sa lecture. S'attacher à un héros et suivre ses aventures peut être l'unique visée de l'oeuvre. Certains auteurs se fixent ainsi pour but de procurer au lecteur un simple moment de divertissement. Les romans policiers correspondent tout particulièrement à ce type d'ouvrages. Avec la série des Sherlock Holmes, Sir Arthur Conan Doyle a ouvert la voie à un genre qui connaît un grand succès. La série Millenium du Suédois Stieg Larsson ou encore les millions d'exemplaires du Da Vinci Code de Dan Brown vendus témoignent bien de l'attirance des lecteurs pour ces histoires palpitantes. Chez les plus jeunes, c'est la série des Harry Potter de J.K.Rowling qui prouve encore le rôle important de la littérature dans les loisirs.

Au-delà du simple divertissement, l'oeuvre littéraire peut être un témoignage objectif d'une époque, sans chercher à combattre pour une cause. Les auteurs réalistes et naturalistes ont ainsi laissé dans leurs romans de fidèles images de la société française du XIXe siècle. Dans L'Assommoir, Zola peint la descente aux enfers de Gervaise et Coupeau, ouvriers alcooliques, et dresse le portrait des quartiers les plus populaires de la capitale. Maupassant, dans ses nouvelles, nous donne une image réaliste de la triste vie des petits employés de ministères et des paysans du pays de Caux. Dans Toine, par exemple, c'est toute une communauté normande qui est immortalisée, dans ses habitudes et son langage qui se fait entendre au style direct

La littérature apparaît dès lors comme un moyen d'instruire sur une période historique, tout en racontant une histoire. Le problème soulevé par la remarque de Voltaire peut trouver là sa solution : la complexité de l'oeuvre littéraire lui permet d'instruire et plaire en même temps.


Ainsi, certains genres littéraires plaisants dénoncent en filigrane ce qui scandalise les écrivains. Leur pouvoir est d'agir en divertissant. Le voile de la fiction peut se montrer d’une grande efficacité. C’est-ce que prône Horace, le poète latin, avec sa théorie du « placere et docere ». L’apologue est ainsi une forme privilégiée de l’engagement en littérature. Dans ses Fables, Jean de La Fontaine dénonce les travers humains de ses concitoyens, sous Louis XIV. La loi du plus fort ne dénonce-t-elle pas la monarchie absolu d’un Louis XIV, déguisé sous les traits d’un loup cruel s’attaquant à un agneau si attachant pour le lecteur? Les contes philosophiques de Voltaire au siècle des Lumières font de même. Candide est certes un conte agréable, mais c’est également une dénonciation de l’optimisme, et aussi de l’esclavage à travers l’épisode du nègre de Surinam. De plus, la critique peut se cacher dans les pièces de théâtre, notamment les comédies. On ne manquera pas de penser aux pièces de Molière. Sa comédie classique est pleine d’une vive critique de la société du XVIIe siècle. Molière s’attaque notamment aux médecins dans des pièces telles que Le Médecin malgré lui ou L’Amour Médecin. “Agir” n'est donc pas inconciliable avec le divertissement, ni avec la beauté esthétique du langage littéraire.

La Fontaine le rappelle dans “Le Cygne et le Cuisinier” : “Le doux parler ne nuit de rien”. Pour convaincre, l'auteur engagé peut en effet user du plaisir de la lecture. Ainsi, pour persuader de l'importance de l'harmonie du texte afin d'inciter le lecteur à “considérer la fin” en toute chose, le fabuliste, dans la préface de son ouvrage, nous propose deux versions bien insipides du “Renard et le Bouc”. C'est la version versifié du livre III qui transmettra le mieux la morale, s'imprimant de façon agréable dans les vers. De la même manière, durant la seconde guerre mondiale, de nombreux poètes ont fait le choix de l'engagement dans la Résistance et ont mis leur art au service de cette cause. Paul Eluard, Robert Desnos ou encore Louis Aragon ont ainsi créé des chefs d'oeuvre d'harmonie poétique qui dénoncent les cruautés nazies. La beauté et la lutte se mêlent ainsi pour une plus grande efficacité dans la poésie.


La littérature apparaît donc comme un espace de liberté dans lequel chacun peut mener le combat qui lui tient à coeur ou laisser son art s'épanouir sans autre but que la beauté esthétique. Les auteurs disposent d’une multiplicité de moyens pour exprimer leurs opinions. Ils peuvent en effet dénoncer ce qui les scandalise avec des œuvres explicitement argumentatives. Le plaisir de la lecture peut cependant être une fin en soi, ou même être le moyen de renforcer la portée argumentative du texte. Les écrivains peuvent dès lors concilier engagement et création artistique. A leur suite, les chanteurs mêlent parfois au plaisir de la musique des engagements forts. Jean Ferrat a ainsi mis en chanson de nombreux poèmes de Louis Aragon et a créé des textes originaux qui visent à rappeler à chacun le génocide juif afin de ne pas reproduire les horreurs de l'histoire.

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